24 - 05
2010
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La Quinzaine des réalisateurs au Forum des imagesdu 26 mai au 6 juin 2010
La Semaine de la critique à la Cinémathèque française du 3 au 6 juin 2010
LES PRIX
UN CERTAIN REGARD
Prix Un Certain Regard pour son film "Ha Ha Ha" de Hong Sang-soo
Prix du jury pour le film "Octobre" de Daniel et Diego Vega
Prix d'interprétation collectif à été décerné aux trois actrice du film "Los Labios" de Ivan Fund et Santiago Loza : Adela Sanchez, Eva Bianco et Victoria Raposo.
LA QUINZAINE DES REALISATEURS
Prix : "Pieds nus sur les limaces" de Fabienne Berthaud
Prix SACD : "Illégal" d'Olivier Masset-Depasse
Prix EUROPA cinémas : "Le Quattro volte" de Michelangelo Frammartino
Caméra d'or : "Ano bisiesto" de Michael Rowe
LA SEMAINE DE LA CRITIQUE
Grand Prix "Armadillo" de Janus Metz
Prix SACD "Bi, Dung So! (Bi, Don't be afraid!) de Phan Dang Di
Prix OFAJ de la toute la jeune critique : "Sound of noise" d'Ola Simonsson & Johannes Stjärne Nilsson
"Mon Bonheur"/"My Joy" (Sergei Loznitsa), la critique de Benoit Thevenin en direct de Cannes
Invité surprise de la compétition officielle, l’ukrainien Sergei Loznitsa signe son premier long-métrage de fiction après s’être taillé depuis quelques années une solide réputation de documentariste. "Mon Bonheur" renvoie moins au documentaire qu’à un style typique des cinématographies d’Europe de l’est, avec une mise en scène lourde et rigoureuse - mais ample - et un rythme étiré en longueur. Le film est long (2h07) mais sa durée est justifiée. On devine la volonté du cinéaste d’imprimer sur la pellicule sa photographie d’une Ukraine contemporaine toute bosselée, engagée dans une routine de corruption et de violence.
Loznitsa s’attarde beaucoup sur les visages des personnages, jusqu’à faire penser l’espace d’un instant à Bela Tarr, l’éminent cinéaste hongrois si prompt à interroger sans en avoir vraiment l’air la place de l’homme, sa condition sociale et morale, dans son pays. La démarche de Loznitsa est différente, moins spectaculaire d’un point de vue esthétique, bien que formellement le film soit quand même ambitieux et fascinant (avec une photo signée Oleg Mutu, chef op’ de Cristian Mungiu sur "4 mois, 3 semaines et 2 jours", Palme d’Or 2007) , et avec une dimension philosophique moindre. Loznitsa emprunte des chemins détournés, quitte à perdre parfois le fil d’une narration que l’on considère à priori comme basique.
Le cinéaste déroule en fait une histoire très décousue, avec des personnages qui apparaissent et disparaissent sans que l’on établisse une véritable logique. Tous croisent le chemin de Georgy, un jeune chauffeur routier à la vie simple et recroquevillée mais dont le regard un peu naïf s’accommode du nôtre. On découvre un peu perplexe, avec lui, une société chaotique et dangereuse, jusque dans ses campagnes loin de la ville. Le désordre du film parait en fait très maîtrisé et aboutit à un constat sombre et désespéré, évidemment à l’inverse du cynique titre. La seule allusion au bonheur dans le film est liée à l’image de doigts dans le cul, comme si les Ukrainiens, dès lors qu’ils agissent et se débattent, étaient condamnés à leur autodestruction. Ce n’est pas tout à fait le propos du métrage, mais il en découle cet sorte de constat d’échec.
BT/Laterna Magika"La Nostra vita" (Daniele Luchetti), la critique de Benoit Thevenin en direct de Cannes
"Mon Frère est fils unique" (2007) marquait le retour en grâce de Daniele Luchetti, cinéaste transalpin assez moyen mais qui avait déjà connu les honneurs de la compétition à Cannes avec "Le Porteur de Serviette" en 1991, trois ans après avoir reçu la Caméra d’Or pour "Demain arrivera" (88). Pour "La Nostra Vita", il retrouve Elio Germano, l’un des trois jeunes acteurs révélés dans son précédent métrage.
Le film débute sur un ton léger. L’épouse de Claudio (Elio Germano) est sur le point d’accoucher et le couple, très amoureux, s’y prépare. Le destin frappe une première fois lorsque la maman décède en salle d’accouchement. Tout le monde est sous le choc, Claudio comme le spectateur qui n’est pas non plus préparé à cet écueil. Passée l’épreuve de l’enterrement et des larmes, le jeune veuf se doit de réenclencher sa vie. Ouvrier dans le bâtiment, il se consacre pleinement à son métier, s’y réfugie, sans oublier d’être père. Sur le chantier, Claudio dirige quelques travailleurs clandestins… Présenté en compétition à Cannes quelques jours après "Biutiful"*, "La Nostra Vita"* ressemble au film d’Iñárritu mais délesté de la très grande lourdeur du cinéaste mexicain, délesté aussi d’une ambition de mise en scène comparable.
Sur bien des points, Luchetti fait preuve de modestie et pour un résultat qui s’il n’est pas extraordinaire n’en est pas moins intéressant et appréciable. Malgré la noirceur de son histoire, Luchetti ne verse pas dans le pathos ou le misérabilisme, à l’inverse d’Iñárritu. L’idée de l’Italien est ailleurs, son film n’est pas spécialement conçu pour faire pleurer dans les chaumières et distille plutôt son intérêt dans le portrait qui est fait de l’Italie actuelle à travers le personnage de Claudio. Luchetti montre une Italie dans ses plus grands travers : les préjugés racistes, une certaine misogynie, la corruption, des comportements dignes de la Casa Nostra etc. En même temps, les personnages parviennent à rester attachants, humbles, volontaires, pleins de vie. "La Nostra Vita" n’est alors jamais plombant quand bien même le sort s’acharne sur le personnage de Claudio.
BT/Laterna Magica
* Les deux acteurs principaux de ces films qu'on peu comparer, "La Nostra vita" (Elio Germano), de "Biutiful" (Javier Bardem), se sont partagé le prix d'interprétation masculine.
Mots-clés : Cannes 2010, Mon Bonheur, My Joy, Sergei Loznitsa, La Nostra vita, Daniele Luchetti