16 - 05
2009
-
Avec le soleil de retour sur Cannes, la cohue du premier WE du festival s'est pointée ce samedi, un embouteillage de mille et un badauds et quêteurs d'invit tout autour du Palais des festivals, sur la Croisette, le Majestic encombré par un ballet de voitures officielles manoeuvrant entre ses portillons et allées de sécurité comme à la Maison blanche, même si les stars sont rares, hormis le tandem Sophie Marceau et Monica Belluci attendu cette nuit pour présenter "Ne te retourne pas", un film hors compétition. Côté salle Debussy, choper une invit est devenue un sport très ritualisé avec des bandes d'étudiants aussi doués que des pickpockets professionnels, la concurrence est rude. Le jeu consiste pour les mamies cannoises de l'après-midi à échanger une invit marron qu'on leur a donnée mais qui ne leur sert à rien sans Pass contre une invit bleue valable sans Pass, une dame à qui je demande qu'en cas d'échec, elle me refile l'invit marron, hurle qu'elle trouvera même si elle doit faire le tour de Cannes, etc...
Monica Bellucci et Sophie Marceau vers 3 heures du matin samedi à la sortie de la projection de "Ne te retourne pas"
Grâce à la gentillesse d'un attaché de presse que je bénis au passage! à midi, j'avais récupéré mon invit à l'orchestre depuis la veille, soit dans les meilleures places, pour "Taking Woodstock" aujourd'hui à midi. En sortant de la projection qui avait dopé le moral des festivaliers, il m'est venu à l'esprit qu'il ne serait pas trop difficile d'aller faire la manche pour le film suivant "Un Prophète" de Jacques Audiard, mauvais calcul, il m'a fallu quémander trois quart d'heures sans relâche, en lutte avec le gang des cannoises rodées citées plus haut, pour qu'enfin un monsieur timide me dise sotto voce "la voilà" en me tendant le sésame... A cette projection de 15h, on sera loin, très loin, d'avoir envie de rire, la violence d'une des premières scènes provoquant un frisson général dans la salle qui ne regarde l'écran qu'à moitié...
La séance de minuit et demi un samedi soir a fait le plein et le vide ensuite quand on passé le film hors compétition "Ne te retourne pas", le public était venu voir la paire de femmes so sexy qui font la couverture de Paris-Match cette semaine enlacées et nues, du coeur à l'ouvrage pour la promo, sans compter ce soir, se tenant par la main, les deux quadra stars sophistiquées dans deux robes rouge archi-moulantes, fourreau rouge vif pour une Sophie Marceau très amincie depuis quelques temps, décolleté mortel cerise et robe à traîne pour la Bellucci. Les 2 femmes en rouge sont restées un bon quart d'heure sur le tapis rouge à poser avec des mines pour les photographes, elles ont même signé des autographes à quelques pelerins chanceux mais on sentait qu'elles n'avaient pas l'habitude de s'arrêter devant les fans. Encore une galère pour obtenir une invit, connaissant mon peu de goût pour les petits matins, j'échange une invit pour demain matin 8h30 de "Vengeance" de Johnnie To contre un ticket pour cette nuit...
J'attendais un méga-concert abordé de manière psychédélique (comme l'affiche le promet) par le réalisateur de "Brokeback moutain" et "Lust, caution" (petit chef d'oeuvre qui a pourtant divisé la critique), j'ai trouvé une comédie semi-parodique cool, filmée de façon classique, dont le sujet n'est pas le légendaire concert de Woodstock mais le récit de ses préparatifs ("Taking" soit la "prise" de Woodstock) ou comment une petite ville ringarde de l'Amérique profonde devient le centre du monde hippie et rock pendant trois jours. Comme je viens de le lire sur le blog Laterna magica, vu hors Cannes, on n'aurait pas pensé que ce film tout public et populaire soit retenu en sélection officielle réputée auteuriste, ce qui marque un virage très net dans les choix des selectionneurs et va dans le sens de l'attente des spectateurs non festivaliers férus de comédies euphorisantes, ceux qui payent leur place dans les salles et n'ont pas envie d'aller acheter du Prozac à la sortie.
Un couple d'émigrés juifs d'origine russe tyrannise gentiment leur fils, Elliot Tiber, peintre obscur et décorateur raté à New York, qui vient réguièrement leur prêter main forte au motel "El Monaco", un modeste établissement perdu au milieu de nulle part dans une bourgade américaine. Un fils dévoué, par ailleurs président de la chambre de commerce locale, qui a pour habitude d'organiser un humble concert chaque année, comme présenter un quattuor... Pour l'heure, cet artiste larvé héberge dans la grange, au grand dam de sa mère, harpie névrosée traumatisée par l'exil, une troupe de théâtre d'avant-garde qui prépare une version hippie happening des "Trois soeurs" de Tchékov et ne cesse de se dévêtir pour célébrer l'amour libre. Soudain, Elliot apprend que la bourgade voisine refuse d'accueillir un concert de musique rock et hippie... Intuitant qu'il tient la chance de sa vie, Elliot se met en contact avec les producteurs et met un pied, sans le savoir, dans la future légende du concert de Woodstock.
Outre Demetri Martin interprétant Elliot, on note dans le rôle du producteur, un acteur trop craquant (Jonathan Groff) qu'on dirait sorti tout droit des seventies tendance Jim Morrison, dans celui du travesti décomplexé, Vilma, un étonnant Liev Scheiber et dans celui de Billy, un revenant du Vietnam, l'acteur montant d'Hollywood Emile Hirsch. L'époque est montrée par des infos, l'allusion à la guerre du Vietnam, le conflit en Israël, les parents rivés à leur télé pour le lancement d'Apollo et Neil Armstrong sur la Lune. Mais là où la frustration est trop forte, c'est quand on parle des invités au concert de Woodstock, Janis Joplin, Joan Baez, Grateful dead, Jimmi Hendrix, Bob Dylan, qu'on entendra pas, ne verra pas, pourquoi est-on privé d'images d'archives qu'on attend comme le Messie??? On me dira que ce n'est pas le sujet, que j'espérais un documentaire romancé, c'est exact... La salle, en revanche, est enthousiaste, beaucoup de rires pendant, le sourire en sortant de la projection. Un succès en salles en perspective.
Film choc magnifique de deux heures trente avec quelques scènes difficilement soutenables car réalistes et parfaitement crédibles, le film se passe presque entièrement dans une prison. Démarrant sur l'arrestation dans la pénombre d'un déliquant mineur, le jeune Malik, innocent et pauvre, sans relations ni ressources, c'est le récit de son apprentissage initiatique dans un univers carcéral ignoble où s'affrontent le clan des Corses mené par Cesar Luciani et celui des barbus. Etant moi-même d'origine Corse, je dois dire que j'ai été néanmoins émue d'entendre parler Corse comme là-bas avec les intonations, les apostrophes des hommes entre eux, les expressions usuelles au delà des mots et de l'accent (beau travail de coaching et extraordinaire Niels Arestrup) et surtout par le chant national Corse, le "Dio vi salve regina" qu'entonnent les prisonniers autorisés à terminer leur peine près de chez eux qui me fait tjs monter les larmes aux yeux...
Cette petite parenthèse perso étant fermée, le personnage de Cesar Luciani est assez monstrueux, commandant son organisation mafieuse depuis la prison, il fait la loi aussi sur place, donnant des directives aux matons. Ayant repéré qu'un certain prisonnier arabe dont il veut la peau a fait des avances à Malik sous la douche, il va l'utiliser pour l'assassiner de leur part dans sa cellule, la faute de cet homme étant d'être un témoin à charge dans un procès qui dérange beaucoup Luciani. Boucherie au rasoir terrible, un crime qui hantera Malik tout le long du récit au sens qu'on le présente à l'écran comme un fantôme lui donnant les conseils qu'il lui aurait donné s'il n'avait pas été obligé de le tuer.
Petit à petit, Malik va se contruire, protégé par les Corses qui le méprisent, faisant le ménage et la vaisselle chez Luciani, il apprend en cachette le corse et comprend ce qu'ils disent... Parallèlement, il parle l'arabe et peut être vu comme un frère par ses compatriotes, bien qu'il y perdra vite son indentité, corse pour les arabes et arabe pour les corses, il n'aura plus qu'un objectif : être lui et non le pion d'un clan. Allant même jusqu'à se la jouer petit chef roulant pour tout le monde et personne pendant un certain temps, l'appel des origines sera le plus fort... Au bout de cinq ans, Cesar Luciani solitaire et afffaibli, s'est paradoxalement attaché à Malik, une fois sa bande partie qui aurait pu s'offusquer qu'il ne s'en tienne pas à la loi du clan, mais la vengeance est un plat qui se mange froid, Luciani devrait le savoir mieux que quiconque et même le deuil de la vengeance, l'indifférence, est une vengeance passive, presque pire...
Pardon conflictuel et parcellaire, chemin de croix et résilience, c'est aussi le thème du film "Fish tank" d'Andrea Arnold, présenté jeudi, la survie en milieu hostile, la reconstruction de soi quoi qu'on vous ait fait subir, comment être un rescapé ayant droit à une vie... Deux films remarquables qu'on verrait bien au Palmarès... Meilleur acteur à Niels Arestrup? Comédien haut de gamme, toujours parfait, il est ici au delà de son art, somptueux dans ce rôle de truand cruel, vil et vieillissant.
Cette petite parenthèse perso étant fermée, le personnage de Cesar Luciani est assez monstrueux, commandant son organisation mafieuse depuis la prison, il fait la loi aussi sur place, donnant des directives aux matons. Ayant repéré qu'un certain prisonnier arabe dont il veut la peau a fait des avances à Malik sous la douche, il va l'utiliser pour l'assassiner de leur part dans sa cellule, la faute de cet homme étant d'être un témoin à charge dans un procès qui dérange beaucoup Luciani. Boucherie au rasoir terrible, un crime qui hantera Malik tout le long du récit au sens qu'on le présente à l'écran comme un fantôme lui donnant les conseils qu'il lui aurait donné s'il n'avait pas été obligé de le tuer.
Petit à petit, Malik va se contruire, protégé par les Corses qui le méprisent, faisant le ménage et la vaisselle chez Luciani, il apprend en cachette le corse et comprend ce qu'ils disent... Parallèlement, il parle l'arabe et peut être vu comme un frère par ses compatriotes, bien qu'il y perdra vite son indentité, corse pour les arabes et arabe pour les corses, il n'aura plus qu'un objectif : être lui et non le pion d'un clan. Allant même jusqu'à se la jouer petit chef roulant pour tout le monde et personne pendant un certain temps, l'appel des origines sera le plus fort... Au bout de cinq ans, Cesar Luciani solitaire et afffaibli, s'est paradoxalement attaché à Malik, une fois sa bande partie qui aurait pu s'offusquer qu'il ne s'en tienne pas à la loi du clan, mais la vengeance est un plat qui se mange froid, Luciani devrait le savoir mieux que quiconque et même le deuil de la vengeance, l'indifférence, est une vengeance passive, presque pire...
Pardon conflictuel et parcellaire, chemin de croix et résilience, c'est aussi le thème du film "Fish tank" d'Andrea Arnold, présenté jeudi, la survie en milieu hostile, la reconstruction de soi quoi qu'on vous ait fait subir, comment être un rescapé ayant droit à une vie... Deux films remarquables qu'on verrait bien au Palmarès... Meilleur acteur à Niels Arestrup? Comédien haut de gamme, toujours parfait, il est ici au delà de son art, somptueux dans ce rôle de truand cruel, vil et vieillissant.
"Ne te retourne pas" de Marina de Van
(sortie 3 juin 2009)
(sortie 3 juin 2009)
Certainement un des plus mauvais films du festival, dans le genre qu'on sort directement et discrètement en DVD. Une histoire classique d'une jeune femme écrivain, en quête d'identité, sujette à des troubles, des hallucinations, qui se voit devenir un hybride entre elle et ce qu'elle croit être, qui elle aurait pu être, traduit à l'écran par des effets spéciaux mélangeant les visages de Marceau et Bellucci. Pas un acteur ne joue bien hormis Brigitte Cathillon (et ça marque une sacrée différence quand elle est à l'écran), Marceau, puis Belluci, ont le même rôle de la jeune femme angoissée, plaintive, dont le visage se convulse pendant des plombes... Mal interprété, laid et ennuyeux, on a atteint le top du film médiocre. Sans les divas en satin rouge sur tapis rouge, qui se déplacera payer 10 Euros pour aller voir ce film?
Les sections parallèles :
Le coup de coeur de Tadah! blog : "La Vie intermédiaire" à l'ACID dont le programmation devrait être reprise à Paris à la rentrée.
Cannes chez soi...
Comme je suis invitée par Orange à suivre le 62° festival de Cannes (voir mon billet précédent...), outre mon billet de la Plage Orange de J1 à J12, je donnerai tous les jours une idée de programme qui me plait sur Orange Cinéma Séries spécial Cannes du lendemain...
Demain dimanche 17 mai à 20h45, soirée Caméra d'or sur Orange cinénovo avec "Bord de mer" (1982), premier film de Julie Lopez-Curval avec Bulle Ogier et Ludmila Mikaël.
Mots-clés : Cannes 2009, Taking Woodstock, Ang Lee, Un Prophète, Jacques Audiard, Ne te retourne pas, Marina de Van
Commentaires
Sophica Marlucci
Finalement pas de quoi se retourner ni sur Sophica Marlucci ni sur Moniphie Beluceau, si je comprends bien ... Dommages d'avoir veillé tard pour rentrer avec juste ça dans sa musette. Finalement, tu ne regrettes pas le Johnnie To ?
Boléon - 16.05.09 à 13:26 - # - Répondre -