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Cannes 2009 de J1 à J12

"Serbis" de Brillante Mendoza et embouteillage sur tapis rouge "Indiana Jones"/Ministère de la culture

J5, dimanche 18 mai 2008



18 - 05
2008
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  Aishwarya Rai à Cannes dimanche, la plus belle femme du monde, est une actrice de Bollywood et une égérie L'Oréal,
photo www.cinemaniac.fr


 
En sortant de la projection de "Serbis" de Brillante Mendoza, je suis passée par le marché du film au niveau - 1 au palais des festivals pour aller prendre un café au bar. Le marché du film est encore un des endroits les plus sympas du festival parce qu'on y rencontre des gens normaux se comportant normalement et s'habillant comme vous et moi. C'est là que tout se passe, les achats et les ventes de films, etc... En pratique, ça ressemble un peu au salon du livre avec des stands par maisons de production et c'est très intéressant de s'arrêter ici et là prendre des brochures et s'informer sur les productions brésiliennes, italiennes, etc... Les détenteurs de Pass marché du film (bleu) ont des dizaines de projections dans des petites salles dont tous les cinémas de la ville réquisitionnés pour ça mais aussi sur place et dans certains grands hôtels, les grosses boites de production s'y installent dans des chambres ou des suites, selon budget. Dans ces hôtels privilégiés, on croule sous la doc, des magazines tous plus luxueux les uns que les autres jetés devant toutes les portes des chambres, en pile dans les halls. Le tapis rouge, c'est le glamour, le spectacle pour distraire les marchands et conditionner les futurs spectateurs... 


marché du film, photo www.cinemaniac.fr

Je m'apprêtais à me rendre dans la file d'attente de la salle du 60° anniversaire pour rattrapper un des films manqués la veille, sans grand espoir d'ailleurs car trop de gens avaient été privés de films du samedi, quand je passe devant l'entrée des artistes avec toutes les limousines du festival, une ambiance très sympa, des gens chaleureux, on me laisse prendre des photos mais de qui? En fait, le jury entre et sort par là en allant voir les films en compétition, pour l'heure, je les ai râtés, en revanche, Ayshwarya Rai, qui mérite le titre de la plus belle femme du monde, sort toute vêtue de vert assortie à ses yeux, on dirait une sirène, une beauté sublime, clic! (voir ma photo ci-dessus) Ensuite, c'est le tour de Linda Evangelista, ancien top model des années 80 qui a rempilé dans le métier et a rejoint aussi le staff L'Oréal : telle une statue d'un film de SF, elle est habillée en or massif : immense silhouette or, robe fourreau et chaussures tout or, impressionnant, on dirait qu'elle est fausse, en image de synthèse... Et puis Dany Brillant qui reste le dos tourné, Dominique Farrugia, Vincent Cassel vu auparavant par ma voisine (il est à Cannes pour le film sur Mesrine), etc... Donc, si on veut voir quelques stars ou people sans se coller aux barrières du tapis rouge, voilà une piste : l'entrée des artistes...


Dany Brillant à Cannes dimanche, photo www.cinemaniac.fr

Si pour la projection de "Serbis" à 16h, une jeune femme m'avait donné une invitation tout de suite, ce qui m'a permis d'entrer dans le grand théâtre Lumière un peu moins vite qu'en galopant de dernière minute, pour la projection de 22h, les dés étaient pipés mais on l'ignorait... Quand j'arrive vers 21h15, résonne la musique d'"Indiana Jones", l'équipe du film avec Harrison Ford, Steven Spielberg, et aussi George Lucas, sort en fanfare (cette fameuse première mondiale était à 19h), pose à nouveau sur les marches pour la sortie, ce qui n'est pas courant, c'est la fête au superlatif (à l'entrée, ils ont même distribué quelques chapeaux "Indiana Jones" jetés à la foule). Cependant que les invités de la séance de 22h sont déjà arrivés et parqués derrière les barrières en attendant "Gomorra" de Matteo Garrone, premier film italien en compétition (deux cette année avec "Il Divo" de Paolo Sorrentino qui sera projeté vendredi). Seulement, demain, c'est la journée de l'Europe et Sarkosy nous poursuit jusqu'à Cannes par l'entremise de Madame Albanel qui occupe visiblement beaucoup de place avec une brochette de délégués européens, le réalisateur Cristian Mungiu, palme d'or l'année dernière, etc... Et là, il se passe un événement nouveau, bien entendu, l'accès de dernière minute restera fermé et personne de la file d'attente (à Cannes, attendre est mon activité principale de la journée) ne pourra entrer mais, pour la première fois, je vois des invités avec leurs précieuses invit argentées dans la main refoulés, une cinquantaine d'entre eux se voient renvoyés chez eux (ceux du balcon, bien sûr, on a fait passer en priorité les invit orchestre et corbeille), l'anti-démocratie est en marche autour des marches, si je puis dire... Car, tout comme le shopping dans les voyages (les tours operators organisent des journées shopping au bout du monde), les marches sont devenues un événement en soi, presque plus important que le film, les gens posent sur les marches moquettées de rouge, se photographient les uns les autres, jouent à faire la star, à tenter de passer de l'autre côté du miroir...


"Serbis" de Brillante MA. Mendoza / Philippines


sortie 12 novembre 2008



photo Swift dsitribution

Un des films que j'attendais avec le plus d'impatience pour avoir été totalement séduite par les deux précédents films du réalisateur :  "John-John" et "Tirador" (pas encore sorti en France, vu au festival du film asiatique de Deauville en mars dernier). Dans les deux cas, il s'agissait d'une descente dans les bidonvilles de Manille : dans "John-John", c'est filmé le jour dans le dédale des ruelles et leurs habitations tellement vétustes et précaires, une famille d'accueil va devoir se séparer d'un enfant qui va être adopté par des riches américains, un petit garçon qu'ils élevaient depuis trois ans comme un de leurs enfants. Dans "Tirador", c'est une impressionnante descente de police la nuit dans le même quartier pour rechercher des dealers, les gens sont dans la rue dans le noir, éclairés furtivement par la lampe torche des policiers, un film choc, sans doute le meilleur des trois.

Dans "Serbis", le point commun avec les films précédents, c'est l'immersion totale dans un milieu, un lieu, du cinéma réalité, du cinéma immergé à visée qu'on ressente les choses comme si on y était, à commencer par le son très important pour Mendoza : dès le début, on entend en surégime les bruits de la rue pour ne pas dire l'assourdissant vacarme de la rue qui s'immisce dans les maisons, les intérieurs, à la limite du supportable. Seconde signature Mendoza : la caméra fébrile suivant les personnages dans les dédales, dans ses précédents films, ce sont les ruelles du quartier populaire au bord d'un caniveau hostile, ici, les couloirs (la soeur aînée, le petit garçon), l'objectif d'immersion du spectateur est le même qui a alors l'impression de prendre la place de la caméra et de "suivre" lui aussi le personnage, voire de monter et descendre l'escalier lui aussi... ça dépend des facultés à se laisser happer par un cinéma sensuel, sensoriel, faussement primaire, auquel il ne faut pas opposer de résistance si on veut en profiter.

Une jeune fille se lave soigneusement, se sèche sensuellement, met du rouge à lèvres, répète "je t'aime" à son miroir... Sa soeur aînée tient l'établissement un peu particulier où vit cette famille à Angeles aux Philippines : le cinéma "Family", un bâtiment délabré aux altières proportions et nombreux escaliers, qui a dû être beau autrefois, avec une salle de cinéma sur trois qui fonctionne encore en passant des films pornos. Pendant que Nayda, la soeur aînée, fait tout, la cadette, Jewel, se prélasse, les neveux Alan et Ronald, l'un maquettiste et l'autre projectionniste, s'envoient en l'air et bossent mollement, le gendre tient la confiserie et la mère Nanay Flor se ronge à propos de l'issue d'un procès où elle aimerait faire condamner son ex-mari, père de ses enfants, qu'elle a attaqué en justice depuis des années pour bigamie.



photo Swift distribution

Film moite plus que sensuel, film beaucoup plus frontalement sexuel que les deux précédents car le sexe est partout : sur les affiches des films aux titres explicites, dans la salle de cinéma où des prostituées gays postés près l'écran proposent "un service" ("Serbis") qu'ils rendent sur place... Dans les chambres des neveux, de la fille cadette Jewel et même de la mère si austère que l'on voit vers la fin du film faire les mêmes gestes que sa fille au début du film : se laver, mettre du rouge à lèvres devant son miroir... Plus inquiétant, le petit garçon, fils d'environ sept ans de la soeur aînée, mettra lui aussi du rouge à lèvres après avoir épié sa tante et sa grand-mère... Le crucial manque d'argent est relégué en toile de fond mais discrètement omniprésent, par exemple, on parle de téléphoner au prêteur sur gage pour payer un chèque, une pratique qu'on sent bien la seule solution connue pour la famille Pineda comme sans doute pour beaucoup d'autres familles aux Philippines. Le film montre autant les conditions économiques que les moeurs des personnages, ce furoncle qu'un neveu extrait avec les moyens du bord, la prostitution seul choix pour survivre, les disputes à propos d'un t.shirt quand on n'en possède qu'un, etc...

Bien qu'on soit dans la manière des deux films précédents, il manque un fil narratif précis, on s'installe au cinéma "Family" et puis on tourne en rond avec les protagonistes. La tension ne monte ni ne descend, c'est un film linéaire avec une ambiance magnifiquement restituée (quasi physiquement) mais aucun relief dans le récit et aucune empathie possible pour les personnages (appréhendés avec de la distance malgré le procédé d'immersion, est-ce à cause du sujet traité trop hard?). On pourrait stopper le film un quart d'heure avant ou après la fin que ça ne changerait rien. Personnellement, je trouve "Serbis" nettement moins réussi que les précédents, possible qu'on ne rende pas "service" à Mendoza en sélectionnant "Serbis et pas "Tirador", un film qui, lui, pouvait jouer la palme d'or (espérons néanmoins qu'on va distribuer ce dernier en France bientôt).


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